Stratégies de monétisation pour les SaaS : quels modèles pour quels produits ?

Stratégies de monétisation pour les SaaS : quels modèles pour quels produits ?

Antoine Auffray

16/02/2024

Tu es là, face à ton écran, le cerveau bouillonnant d'idées pour ton futur SaaS. Mais attends, avant de plonger tête baissée dans le développement, as-tu pensé à la façon dont tu vas monétiser ton projet ? Choisir le bon modèle de monétisation pour ton SaaS n'est pas toujours évident : le bon choix peut rapporter gros, mais à l'inverse, la mauvaise décision peut facilement condamner ton SaaS.

Je me souviens d'un projet à Station F où l'équipe, composée de techs très compétents, a choisi à la va-vite un modèle freemium sans réellement comprendre son public cible et sans analyser la valeur de chaque feature. Résultat ? Une excellente application, mais peu de revenus, car les utilisateurs n'avaient pas besoin des fonctionnalités premium.

Une erreur classique, mais évitable.

Dans cet article, je vais t'accompagner pour trouver le modèle de monétisation adapté à ton SaaS. Nous allons décortiquer ensemble les avantages et les inconvénients de chaque modèle, je donnerai des exemples concrets, et surtout, je te montrerai comment aligner ces modèles avec la valeur réelle de ton produit.

Comprendre les Différents Modèles de Monétisation

Chaque modèle a sa spécificité, et il est essentiel de comprendre quand et comment l'utiliser.

Abonnement : Le classique

L'abonnement, c'est le grand classique historiqe, le go-to, le par défaut. Facile à comprendre, il offre une prévisibilité des revenus qui plait aux invests. 1 utilisateur = X€ par mois.

Mais attention, il ne faut pas toujours faire le choix standard.

Aujourd'hui, l'abonnement est souvent associé à des SaaS plus complexes et installés, avec des tarifs basés sur les fonctionnalités ou le nombre d'utilisateurs (système de seats). On va souvent retrouver ce modèle sur des SaaS B2B à haute valeur ajoutée. Cela peut être une bonne option si ton SaaS s'adresse à des entreprises de tailles variées, mais cela peut aussi complexifier la compréhension de ton offre.

Et surtout, cela complexifie l'acquisition : les clients potentiels doivent comprendre les différences entre les offres, et être convaincus de la valeur que tu apportes avant de prendre l'abonnement.

Freemium : l'art de séduire avant de vendre

Le modèle Freemium a pris en popularité ces dernières années, si bien que beaucoup de SaaS basés sur de l'abonnement ont switché vers celui-ci.

En deux mots, le freemium, c'est offrir une version gratuite de ton produit, avec des fonctionnalités limitées, et une version premium avec des fonctionnalités avancées.

Tes utilisateurs peuvent ainsi tester ton produit avant de s'engager, et tu peux monétiser une fraction de ces utilisateurs avec des offres premium.

L'acquisition est simplifiée : tu peux amener des utilisateurs vers la version gratuite grâce à ton marketing et ces derniers deviennent tes leads, que tu vas nurture pour les convertir en clients payants.

C'est un modèle qui peut être très efficace pour attirer un large public, mais il faut être vigilant : si ta version gratuite est trop bonne, pourquoi payer ? Si elle est médiocre, pourquoi rester ?

La difficulté de ce modèle repose sur la conception produit de ton SaaS : il faut que la version gratuite soit suffisamment attractive pour attirer des utilisateurs et que la version payante apporte une réelle valeur ajoutée.

Pay-as-you-go : le petit nouveau

Le pay-as-you-go, c'est la tarification à l'usage. Si tu es développeur ou que tu baignes dans la tech, tu as déjà croisé ce modèle chez les fournisseurs Cloud, comme AWS ou GCP par exemple.

C'est un modèle qui peut être très intéressant pour des SaaS qui offrent des services à la demande, ou qui ont des coûts variables en fonction de l'utilisation, par exemple si ta valeur ajoutée est liée à la puissance serveur requise pour faie tourner ton système).

C'est un modèle qui peut être très attractif pour les utilisateurs, car ils ne paient que pour ce qu'ils utilisent. Mais attention, cela peut aussi être un frein : si les utilisateurs ne comprennent pas comment ils vont être facturés, ils peuvent être réticents à utiliser ton produit.

Je connais beaucoup de CTOs qui refusent d'utiliser des services pay-as-you-go car les offres cloud restent encore assez opaques, et préfèrent des abonnements fixes. Je fais moi-même partie de cette catégorie : je préfère savoir ce que je vais payer à l'avance, plutôt que de me retrouver avec une facture surprise à la fin du mois. J'ai déjà vu des startups se retrouver avec des factures de 50k€ à cause d'une mauvaise config, ça m'a refroidi.

Publicité : old school, not cool

La publicité, c'est un des modèles les plus anciens, et il est encore utilisé par beaucoup de SaaS, notamment les médias et les plateformes de contenu.

C'est un modèle qui peut être très rentable si tu as un gros volume d'utilisateurs, mais il est souvent mal perçu par les ces derniers, qui peuvent être agacés par les publicités. Tout le monde déteste se retrouver avec 12 popups et 3 bannières de pub sur une page.

Aujourd'hui, je ne vois que deux types de SaaS où la pub est acceptable : les plateformes de contenu, comme les médias ou les blogs, et les apps mobile gratuites type petit jeu vidéo. Pour le reste, je pense que c'est un modèle à éviter.

One time payment : l'amour du risque

Le one time payment, c'est le paiement unique. La fameuse "license" comme on disait dans les années 2000. C'est un modèle qui a été très populaire dans les années 2000, mais qui a perdu de sa superbe avec l'arrivée des abonnements.

C'est un modèle qui peut être très intéressant pour des SaaS qui offrent des services ponctuels, ou qui ont une durée de vie limitée. Par exemple, si tu vends un outil de conversion de fichiers, ou un outil de création de CV, le one time payment peut être une bonne option : il y a peu de chance que tes utilisateurs reviennent souvent, donc autant les faire payer 20€ une fois que 5€ pendant deux mois.

Attention, c'est un modèle qui peut être risqué : si tu n'as pas de nouveaux clients, tu n'as pas de nouveaux revenus. La plupart des invests que je connais évitent les projets avec ce modèle, car ils préfèrent des revenus récurrents.

On retrouve souvent ce modèle pour des logiciels desktop, pour lesquels il est parfois difficile de mettre en place un modèle d'abonnement.

Aligner modèle de monétisation et valeur du produit

Tu as maintenant une bonne idée des modèles de monétisation à ta disposition. Mais comment choisir le bon pour ton SaaS ? On voit ça tout de suite.

Comment déterminer la valeur réelle de ton produit

La première étape, c'est de comprendre la valeur intrinsèque de ton produit.

Pose-toi ces questions :

  • Quel problème résout-il ?
  • Pour qui ?
  • À quelle fréquence ?

Si le pain point que tu résous est récurrent, ou si ton produit est indispensable pour une tâche récurrente, un modèle d'abonnement ou freemium peut être une bonne option.

Si ton produit est plus ponctuel, si tu cibles un public qui n'a pas besoin de ton produit souvent ou si tu cherches juste à générer quelques revenus à côté de ton activité principale, un modèle one time payment peut être plus adapté.

Si tu as de gros coûts serveur ou API, il est malin de reporter ces coûts sur tes utilisateurs et d'opter pour un modèle Pay-as-you-go.

Tu comprends la logique : il faut que ton modèle de monétisation soit en adéquation avec la valeur que tu apportes à tes utilisateurs et tes contraintes de fonctionnement.

Exemples de SaaS qui ont bien ou mal aligné leur modèle de monétisation

Adobe Creative Cloud

Adobe a radicalement changé son modèle de tarification en passant de licences One time payment à un abonnement mensuel ou annuel.

Initialement, cette transition a provoqué une réaction négative de la part de nombreux utilisateurs qui préféraient l'achat unique à un engagement récurrent. En même temps, il était difficile au départ de comprendre pourquoi il fallait à nouveau payer pour un logiciel qu'on avait déjà acheté.

Toutefois, Adobe a réussi à surmonter ces défis en montrant la valeur ajoutée de son modèle d'abonnement, notamment l'accès constant aux dernières mises à jour et innovations.

Il n'y a pas de secret : ils ont délivré de la valeur supplémentaire aux abonnés pour justifier leur décision. Nul doute que s'ils avaient simplement changé leur modèle sans ajouter de valeur, ils auraient perdu une grande partie de leur base d'utilisateurs.

Evernote

Evernote a rencontré des réactions négatives en 2016 lorsqu'ils ont augmenté les prix de leur abonnement premium et limité les fonctionnalités de la version gratuite.

On ne va pas se mentir, les users n'étaient pas jouasse. Ils ont commenté à explorer des alternatives et à switcher de service en grand nombre.

Evernote, c'est 120+ licenciements en 2023. Je te laisse juger de la réussite de leur stratégie.

Cas Pratiques : choisir son modèle selon son produit

Je sais que c'est cette section qui t'intéressait depuis le début. On y va !

SaaS B2B vs B2C : des stratégies opposées ?

Si ton SaaS vise les entreprises (B2B, business to business), pense grande échelle et solutions personnalisées. Tes clients veulent un service solide, extensible, reliable et ils ont le budget de leur ambition (normalement). On sait qu'on aura moins d'utilisateurs qu'en B2C et qu'il faut rentabiliser : c'est plus d'efforts en acquisition pour convaincre, mais on est ouvert au high-ticket. Là, on va généralement privilégier l'abonnement, le pay-as-you-go ou le freemium.

Pour le grand public (B2C, business to customer), les choses sont différentes. Les tarifs sont souvent plus bas pour coller au budget des clients, il faut en amener en grand nombre pour être rentable et être hyper convaincant sur la valeur. On va généralement privilégier le freemium, le one time payment ou la pub.

Produits de niche vs produits à large audience

Pour un produit de niche, tu as un public ciblé et bien défini, pour lequel tu connais les arguments de vente qui convainquent. Tu as le temps de parler à tes clients avant de leur pousser ton offre, tu peux les cibler avec un discours calibré, donc un modèle d'abonnement ou pay-as-you-go est souvent le choix le plus rentable, en offrant la personnalisation et la flexibilité recherchée par ta cible.

En revanche, pour un produit à large audience, pense facilité d'accès et adoption massive. On veut ratisser large, amener un max de clients sur le SaaS et les convaincre une fois qu'ils ont mis le pied dans la porte : le freemium, dans ce cas, est souvent le meilleur choix.

Je t'ai fait un beau tableau pour résumer tout ça :

B2B B2C
Produit de niche Abonnement, Pay-as-you-go, Freemium Freemium, One time payment
Produit à large audience Freemium Freemium, One time payment, Publicité

Éviter les Pièges Communs

Comme toujours, il y a des erreurs à éviter. Voici les plus courantes.

Ne pas sous-estimer l'importance du support client

Au cours des années, j'ai remarqué un phénomène intéressant : des clients freemium dont le profil ne semblait pas pouvoir mener à un abonnement ont fini par le prendre après avoir reçu un support client de qualité.

On en revient à un fondamental du business : les gens aiment être bien traités. Si tu offres un support client de qualité, tu peux convertir des utilisateurs freemium en utilisateurs payants. Certains utilisateurs cherche à être rassurés et à établir une relation humaine avec leur fournisseur, alors ne néglige pas cet aspect., ça peut rapporter gros.

Éviter la complexité tarifaire

Tu te souviens de ce que je disais sur la tarification des services cloud plus haut dans l'article ? C'est un bon exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Si tes utilisateurs ne comprennent pas comment ils vont être facturés, ils ne vont pas utiliser ton produit.

Même chose si tu as 14 offres différentes, avec des fonctionnalités qui changent d'une offre à l'autre. C'est compliqué pour toi, et c'est compliqué pour tes utilisateurs. Si tu veux faire des offres différentes, fais des offres claires, avec des différences claires. En général, 3 offres maximum, c'est bien.

En plus, cela simplifiera ton modèle d'upselling, car tu pourras plus facilement proposer des offres intermédiaires à tes utilisateurs et les faire progressivement monter en gamme.

Conclusion

L'article est long, mais je pense qu'il est complet. Avec tout ça, tu devrais avoir une bonne idée du modèle de monétisation qui te convient le mieux. Si tu as des questions, n'hésite pas à me contacter, je serais ravi de t'aider !

Prêt à vous lancer ?